Dans son voyage vers les endroits les plus savoureux de Suisse, Pascal Schmutz nous emmène chez le chocolatier suisse Felchlin à Ibach. Pour le grand chef, il est important que les consommateurs sachent identifier un bon chocolat. Erich Keller, directeur des ventes de l’entreprise de tradition, s’y connaît parfaitement.
Pascal Schmutz: Tu m’as dit que le goût d’une fève de cacao est fortement influencé par ce qui pousse près de l’arbre.
Erich Keller: Oui, c’est exact. Si un citronnier pousse à côté d’un cacaoyer, cela se ressent dans la saveur des fèves. Le goût passe du fruit à la terre, puis au cacaoyer et ses fèves via les racines. Nous devons manier ces arômes avec beaucoup de précautions, c’est-à-dire de la manière la plus pure possible, afin de retrouver le goût du citron dans le chocolat.
Pascal Schmutz: Comment reconnaît-on la qualité d’une fève?
Erich Keller: Couper une fève dans sa longueur permet de déterminer sa qualité, à savoir si elle a séché et fermenté correctement. Si elle est encore violette après ça, ce n’est pas bon signe. Et si elle se rompt, c’est également que quelque chose ne va pas. Mais si la coupe longitudinale de la fève présente la structure d’un cerveau, alors elle est parfaite.
Pascal Schmutz: À quoi veillez-vous en ce qui concerne vos fournisseurs?
Erich Keller: Nous allons rencontrer les cultivateurs sur place pour comprendre leur travail et savoir avec qui nous collaborons. Nous nous assurons qu’ils n’emploient pas d’enfants, par exemple. Être personnellement sur place et pouvoir sélectionner les meilleures fèves est l’un de nos grands atouts.
Pascal Schmutz: Vous allez donc en personne examiner les plantations.
Erich Keller: Il n’y a pas que des plantations de cacao; il y a toujours d’autres arbres qui poussent autour d’eux, comme des bananiers ou des citronniers. Pour nous, il est important de connaître la diversité sur place. C’est elle qui fait le goût et la qualité de la fève. Comme nous sommes sur place depuis plus de vingt ans, nous pouvons nous appuyer sur une vaste expérience et cela se retrouve dans notre chocolat.
Pascal Schmutz: Que se passe-t-il à partir du moment où la fève de cacao arrive chez vous?
Erich Keller: Nous commençons par déguster la fève pour savoir si elle a le goût souhaité. Si elle réussit le contrôle de qualité, nous la transformons en chocolat. Et nous recommençons le même processus. Nous goûtons chaque lot de la production de chocolat.
Pascal Schmutz: À quoi le consommateur final doit-il veiller s’il souhaite acheter du bon chocolat?
Erich Keller: Il y a plusieurs choses à prendre en compte. Personnellement, je préfère le chocolat dont les fèves proviennent de la même région, mais d’autres préfèrent des assemblages de fèves différentes, comme pour le vin. Il faut savoir qu’il existe des zones de culture où la production des fèves de cacao est remise en question sur les plans environnemental et éthique, par exemple en Côte d’Ivoire. Il faut aussi tenir compte des ingrédients utilisés. Un bon chocolat ne contient que les ingrédients suivants: cacao, beurre de cacao, sucre, éventuellement de la vanille, mais aucune matière étrangère. Dans le cas du chocolat au lait, on y retrouve encore du lait/de la crème, idéalement d’origine suisse.
Pascal Schmutz: Que faites-vous sur place en matière de développement durable?
Erich Keller: Le développement durable est un sujet majeur pour nous depuis plus de vingt ans. Nous rémunérons les cultivateurs à des prix nettement supérieurs à ceux pratiqués habituellement. Nous soutenons aussi des projets individuels de nos producteurs. Lorsque nous constatons la nécessité de recourir à des machines agricoles quelque part, nous apportons notre soutien. À Madagascar, par exemple, nous avons souscrit une assurance maladie pour tous les cultivateurs. Et ce dans un pays où les cacaoculteurs ne disposent généralement d’aucune assurance maladie. Et nous allons continuer de développer de tels projets.
Pascal Schmutz: Quel chocolat as-tu donné à tes enfants?
Erich Keller: Curieusement, je ne leur ai donné que du chocolat noir. Je me suis dit que c’était la meilleure manière pour eux d’y prendre goût. Cela a fonctionné avec ma fille; aujourd’hui, elle ne mange que du chocolat noir. Mais j’ai eu moins de succès avec mon fils, qui est un fan de chocolat au lait.